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Taxe de mouillage dans les aires marines protégées

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Le président de l’association des pêcheurs plaisanciers des ports de Clohars-Carnoet vient de faire parvenir un courrier au maire de Clohars-Carnoët, au député de la circonscription, au sénateur Michel Canevet et aux candidats aux élections départementales au sujet de la taxe de mouillage dans Les aires marines protégées que le gouvernement veut remettre à l’ordre du jour malgré l’opposition récente de l’Assemblée Nationale.

 

Note de synthèse sur cette affaire :

 

Paris, le 16 février 2015

 

Le 20 janvier 2015, dans le cadre de l’examen en première lecture du projet de loi sur la nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) par le Sénat, le gouvernement a présenté un amendement (n°1208) permettant aux collectivités ou établissements publics compétents sur le territoire concerné d’instaurer une redevance sur les mouillages effectués dans le périmètre des aires marines protégées dont ils ont la gestion.

Alertée sur les graves conséquences d’une telle mesure sur la filière nautique française et l’ensemble des économies littorales, considérant l’ampleur des zones concernées, le montant excessif de la redevance envisagée, le ciblage exclusif d’une seule catégorie d’usagers des aires marines protégées et l’extrême complexité du recouvrement de cette taxe, la commission des lois de l’Assemblée Nationale a rejeté cette mesure en adoptant l’amendement 163 présenté par Messieurs Caresche (PS), Quentin et Gaymard (UMP).

Le Gouvernement a l’intention de déposer un nouvel amendement dans le cadre de l’examen du projet de loi NOTRe, qui débutera le 17 février à l’Assemblée Nationale.

Ce nouvel amendement est en tout point identique au précédent bien qu’il prenne le soin de dissimuler le montant de la taxe en renvoyant son établissement au décret d’application et qu’il nomme redevance ce qui est en réalité un nouvel impôt puisqu’aucune contrepartie en termes de service aux plaisanciers n’est envisagée (comme une zone de mouillage organisé ou la collecte des déchets).

Par cet impôt, le gouvernement veut faire supporter aux plaisanciers le coût d’une mission d’intérêt général (la protection du patrimoine marin), alors même que ces derniers financent déjà aujourd’hui chaque année le Conservatoire du Littoral à hauteur de 37 millions d’euros.

La Fédération des industries nautiques (FIN), la Fédération françaises des ports de plaisance (FFPP), l’Union nationale des associations de navigateurs (UNAN) et la Fédération nationale des pécheurs plaisanciers et sportifs français (FNPPSF) unissent à leur voix celle de l’ensemble des associations locales de professionnels et de plaisanciers pour dénoncer un tel projet et en souligner les dangers.

 

Une mesure générale disproportionnée en réponse à une demande locale spécifique

 

L’amendement du gouvernement répond à la demande exprimée par l’Assemblée de Corse dans une délibération (09/214 AC) du 12 novembre 2009. Dans cette délibération, l’Assemblée de Corse proposait l’instauration d’une taxe forfaitaire annuelle due par tous les navires de plaisance mouillant à l’ancre dans les réserves naturelles des Bouches de Bonifacio et de Scandola à l’exception de ceux justifiant d’un titre de stationnement en cours dans un port corse. Ce projet n’ayant pas reçu l’aval du Conseil d’Etat, la taxe n’a jamais été mise en application.

Dans une nouvelle délibération (14/241 AC) du 19 décembre 2014, l’Assemblée de Corse adoptait et proposait au Gouvernement la création d’un droit d’accès aux aires marines protégées de Corse, applicable aux navires de plaisance afin de réguler la fréquentation dans les sites les plus sensibles.

La commission des finances de l’Assemblée de Corse précise dans son rapport que la demande est inspirée du droit d’accès au parc national de l’archipel de la Maddalena créée par la région de Sardaigne et qui provoquerait un report de fréquentation vers les Bouches de Bonifacio. Rappelons que le droit d’accès au parc naturel sarde est pratiqué en contrepartie de services aux plaisanciers (accueil des bateaux, zone de mouillage organisé, informations sur le parc...).

Force est de constater le décalage entre la mesure générale envisagée par le gouvernement sur l’ensemble des aires marines protégées métropolitaines et ultramarines et l’enjeu local corse exprimé dans la délibération du 12 novembre 2009. Il n’est nullement besoin d’une loi et la Corse a d’ores et déjà les moyens de gérer la problématique des Bouches de Bonifacio. En effet, dans le cadre juridique actuel, les parcs marin et réserves naturelles peuvent d'ores et déjà percevoir des redevances auprès des plaisanciers en contrepartie d'un service tel que la mise à disposition d'un corps mort ou la collecte des déchets.

 

Une mesure contre-productive déjà expérimentée et abandonnée en Sardaigne

 

Selon l’article L.334-1 du Code de l’Environnement, 88.000 km2 de zones côtières sont classées «aire marine protégée » en métropole et 240 690 km² en tenant compte des territoires ultramarins. Cela représente 23,6% du littoral métropolitain et plus de 50% du littoral corse. En ajoutant à cela l’objectif gouvernemental de créer 10 parcs naturels marins à l’horizon 2020, une part de plus en plus importante du littoral entre dans le champ de ce projet de redevance.

Au regard de l’étendue des zones concernées, le dispositif envisagé est directement comparable à la taxe qui avait été instaurée en mai 2006 sur l’ensemble du littoral sarde pour les navires de plaisance supérieurs à 14 mètres faisant escale ou mouillant entre le 1er juin et le 30 septembre.

 

Or, cette taxe a été supprimée en mai 2009 en raison de ses conséquences désastreuses sur la fréquentation des côtes sardes (-42% du nombre d’escales dès l’année 2006) et sur les économies littorales. 

En outre, dans un arrêt (C-169/08) du 17 novembre 2009, la Cour de justice des Communautés européennes a considéré que la taxe sarde enfreignait le droit communautaire et était contraire au principe de la libre prestation des services.

Le dispositif envisagé par le gouvernement concernerait une très grande majorité des 512.000 plaisanciers français dont 90% possèdent des bateaux de moins de 8 mètres. Contrairement à certaines idées reçues, la plaisance reste un loisir populaire et familial qui touche toutes les catégories socio-professionnelles (cf. Répartition des immatriculations par CSP – DAM).

Même si le nouvel amendement prend soin de dissimuler le montant de la taxe en renvoyant son établissement au décret d’application, le niveau de taxation envisagé est tel qu’aucun plaisancier ne prendra plus le risque (fiscal) de jeter l’ancre dans les zones concernées.

Rappelons que dans le premier amendement, le gouvernement annonçait une taxe de 20€ par mètre de longueur de coque et par jour, soit à 100€ par mouillage et par jour pour un petit bateau à moteur de 5 mètres, 300€ pour un voilier de 15 mètres…

 

Une mesure discriminatoire, qui laisse craindre un transfert massif de charges au détriment des plaisanciers

 

Si cette proposition, contraire aux engagements précédemment pris par le gouvernement de ne pas créer de nouvelles taxes, devait aboutir, elle reviendrait à faire supporter aux seuls plaisanciers le coût d’une mission d’intérêt général (la protection des espaces marins), alors qu’ils ne sont que des usagers parmi d’autres de ces espaces.

Ce traitement serait d’autant plus pénalisant que les plaisanciers financent déjà aujourd’hui chaque année à travers le droit annuel de francisation et de navigation (DAFN) le Conservatoire du Littoral à hauteur de 37 millions d’euros.

En outre, le projet de taxe remet en cause le principe de gratuité applicable aux domaines publics naturels sans aucune contrepartie en termes de services (pontons, corps morts, collecte des déchets des bateaux, etc.) ni critères de zonage autres que le classement en AMP.

Bien que le nouvel amendement gouvernemental parle de redevance, il s’agit en réalité bel et bien d’un nouvel impôt imposé aux plaisanciers.

Derrière le traitement ponctuel d’un cas corse avance masquée la perspective de faire financer les coûts des aires marines protégées par les plaisanciers au moment où l’Etat envisage de se désengager. Il n’est sans doute pas anodin que le Président du Conseil Exécutif de Corse, Monsieur Paul Giacobbi, avocat de la taxe corse, soit en même temps Président du Conseil d’Administration de l’Agence créée par l’Etat en 2006 pour animer et gérer les aires marines protégées.

 

Une mesure pénalisante pour l’ensemble des économies littorales

 

Son application porterait un coup sévère à la pratique de la plaisance sur le littoral national et aurait des conséquences dramatiques sur l’ensemble de la filière nautique française, ses 4.915 entreprises, ses 415 ports de plaisance et ses 40.326 emplois directs. Ceci au moment où cette filière se relève difficilement d’une crise profonde, marquée par la baisse de 50% des ventes de bateaux neufs en France.

Avec 10 emplois indirects pour 1 emploi direct, la plaisance représente un poids économique considérable pour l’ensemble des collectivités littorales. En dissuadant fiscalement les plaisanciers français de pratiquer leur loisir et en éloignant les plaisanciers étrangers des côtes françaises, la mesure envisagée impacterait lourdement l’hôtellerie traditionnelle et de plein air, la restauration, le commerce et les services. Pour les collectivités, le manque à gagner serait sans commune mesure avec les hypothétiques recettes fiscales attendues.

C’est l’attractivité même du littoral français qui est menacée au moment où l’Italie et l’Espagne prennent des mesures fiscales incitatives pour attirer les plaisanciers étrangers sur leurs côtes.

 

Une taxe complexe et coûteuse à recouvrir

 

Le recouvrement de la taxe et les opérations de contrôle seraient d’une complexité telle qu’ils nécessiteraient des moyens importants dont les coûts absorberaient une part significative de la recette fiscale. Cette perspective est en contradiction totale avec la volonté annoncée du gouvernement de moderniser, simplifier et optimiser la rentabilité des dispositifs fiscaux.


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