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Bénédiction de la mer 2017

Souvenirs

La procession chemine sous un ciel azur débarrassé par une providentielle brise marine de ces troupeaux de nuages, juillettistes incongrus et mal intentionnés. Défaite la tempête...

 

Le cortège ondule, bannières au vent, voiles improbables portées par quelques fidèles, gabiers « déhunés ». Sur l’embarcadère, c’est déjà la mer. La houle roule comme roulaient les nuages du triste et déconfortant matin. Le cortège s’immobilise pour de fervents cantiques, se recueille, puis gagne les bateaux, « houlantes » chapelles éphémères dédiées à ceux qui vont en mer et à la mémoire de tous ceux qu’elle a engloutis comme pour les recueillir en sa matrice originelle.

 

Alors que les bateaux paradent majestueusement avant que ne soit confiée la couronne fleurie à l’océan, je songe au spectacle des bénédictions de la mer d’antan. On s’entassait sur ces pinasses sardinières pavoisées, endimanchées. Surchargées – il ne fallait décevoir personne – elles s’élançaient vers la digue, bord à bord, flanc contre flanc, s’effleurant délicatement. Puis la flottille grégaire s’étrécissait, chaque bateau manœuvré de main de maître filait dans le sillage du bateau hôte du prêtre et de ses clergeons, de la croix, de la couronne fleurie et de la statue de Sainte Anne. Parfois, un coup de roulis envoyait épaule contre épaule touristes, enfants, loups de mer ou novices matelots debout ou assis à même le pont d’un bateau en équilibre instable, retournant les estomacs des moins amarinés. Les bateaux processionnaient, l’étrave élégamment frangée d’écume, entre les pointes de Port-Blanc et de Beg-an-Tour, sentinelles bienveillantes et protectrices, marquaient un temps d’arrêt pour la prière et le rituel de la couronne fleurie confiée à l’océan. Un tour complet de la symbolique couronne précédait le retour au port où, après l’hommage et le recueillement, tout ce monde pouvait goûter aux festivités qui l’attendaient sur chaque rive.

 

Enfin, surgissent des profondeurs de ma mémoire tous ces pêcheurs, rudes et tenaces travailleurs. Je les entends, je les vois en un ailleurs lointain, ils flottent sur l’horizon serein, je les salue in petto, les sévères, les taiseux, les volubiles enjoués, les rieurs, les modestes, les orgueilleux, enfin tous ces hommes qui, tous dignes et fiers, savaient la mer plus souvent mesquine et parcimonieuse que généreuse.

 

Nostalgiques, passez votre chemin car en vérité vous ne regrettez que votre jeunesse ! Les autres, ne les oubliez pas, ils vous ont donné Doëlan !

 

Poul-Douel de l’Estran

 

 

Doëlan, juillet 2017.


Bénédiction de la mer 2017

 

S’il a pu susciter doute et inquiétude chez quelques-uns, le mauvais temps qui sévissait depuis la veille n’a pas vraiment perturbé les préparatifs de la bénédiction de la mer qui cette année coïncidait avec la fête organisée le samedi 22 juillet autour des 25 ans de la réplique du misainier le Rigolo. Comme chacun le sait, « en Bretagne, il fait beau plusieurs fois par jour ! ». C’est pourquoi la fête triompha de la tempête. C’est donc sous un ciel débarrassé de ces troupeaux de nuages, juillettistes incongrus et mal intentionnés, grâce à une forte brise de sud-ouest qu’est arrivée, vers 17 h 30, sur le quai Sancéo, via l’anse de Kersimon, la procession partie du lavoir de Kerangoff après quelques instants de recueillement. La partie maritime de la cérémonie de bénédiction de la mer allait pouvoir se mettre en place à l’issue d’une prière de protection pour tous ceux qui vont en mer. Par ailleurs, le public a reçu avec émotion l’évocation de la mémoire de Bruno Latour, le regretté président de la Bande-du-Rigolo, décédé l’an dernier.

 

La forte houle a toutefois empêché la sortie du port, par conséquent c’est à l’intérieur même de la ria que le prêtre a pu officier à bord du Rigolo lequel cette année, anniversaire oblige, remplaçait le canot de sauvetage tout juste de retour d’une commémoration du 150e anniversaire de la station de la SNSM de Groix. Favorisée par la pleine mer, une parade majestueuse du misainier dans le port a précédé ce geste toujours émouvant par lequel une couronne fleurie est confiée à l’océan. Cette fois c’est en deçà de la digue que ce geste a dû être fait. « Gagner la digue et puis de là, bénir la mer », selon les mots d’Émile Verhaeren.

 

Cette modification protocolaire aura sans aucun doute permis d’attirer l’attention de spectateurs peu ou pas du tout familiarisés avec une cérémonie pourtant bien ancrée dans la tradition maritime de toutes nos régions littorales, qu’elles soient hexagonales ou ultramarines.

 

Le reportage photographique dont vous trouverez ci-dessous quelques extraits a été aimablement réalisé par Richard Goalou.

 

Poul Douel de l’Estran